lundi 13 juillet 2009

D'où Viens-je? Qui suis-je? Où vais-je? (Début du Chapitre I)

En 1994, j’achevais Aperçus de la planète des singes par une déclaration de principe sur l’inexistence du Bien et la très probable existence du Mal : « Que ce soit dans le domaine de la politique économique, de la raison d’État ou de la philosophie politique dans son ensemble, les professionnels de la politique et les sociologues en chambre n’ont jamais cru qu’il pouvait exister quelque alternative que ce soit à leurs médiocres réussites et présupposés. Selon eux, il ne peut exister d'autre politique que celle du système. Depuis toujours, ils se voient comme les détenteurs exclusifs d’une raison pragmatique reposant sur un savoir incontestable. Flores d’Arcais s’est prononcée en faveur d’une éthique sans foi, seule issue pour échapper à la recherche pernicieuse de la vérité unique. La formule me semble excellente. Quand bien même on se placerait dans une perspective militante, où l’espoir est indispensable. Toutefois, cet espoir doit demeurer étranger à toute théologie. La critique de l’aliénation militante menée si habilement par Adam Shaff doit être assimilée. Nous devons faire le serment de ne plus jamais être les complices d’un Caligula qui voudrait nommer proconsul son cheval ».

Il n’y a pas de vérités uniques, il n’y a pas de luttes finales, mais il nous est encore possible de lutter contre les non-vérités évidentes en nous orientant au moyen des vérités possibles. On peut apercevoir une partie de la vérité et cependant ne pas la reconnaître. Mais il est impossible de considérer le Mal sans le reconnaître. Le Bien n’existe pas, mais il est à craindre que le Mal, lui, existe.

Au milieu de tout ce scepticisme, qui s’est parfois montré si lucratif, si favorable à la caste intellectuelle, je m’apprêtais à achever cette fin de millénaire dans le désespoir laïque, espérant tout au plus que la parole prophétique du poète Blas de Otero pût se vérifier un jour :


D'autres viendront

Qui verront ce que nous n'avons pas vu

Quant à moi je ne sais plus

Tout assombri que je suis

Pourquoi nous naissons

Et pourquoi nous vivons


Mais les événements du Chiapas (en langue tapetchia, Chiapas signifie colline de la bataille), c’est-à-dire le déclenchement de la rébellion indigène au mois de janvier 1994, avaient tracé un point d’interrogation sur la face de cette fin de millénaire préfabriquée (...)